« Elle ne saura jamais... pourquoi après un écart de parcours, qu'elle venait de franchir l'infranchissable, la barrière de l'invisible, le territoire des interdits celui d'où personne n'est jamais revenu... Sa dernière et plus longue nuit ne sera qu'une suite d'horrible terreur et d'atroces cauchemars.
La DIABLE a souvent des apparences bizarres, il peut être partout. Surtout là où on ne l'attends pas ! ... »
Il existe dans le domaine des nanars tout comme bien d'autres domaines, des classiques, des Everest cinématographiques, des passages obligés. Des moments clés où votre vision du cinéma ne sera plus tout à fait la même après visionnage. « Devil Story : Il était une fois le diable » fait parti haut la main de cette catégorie de films. Véritable maître étalon du film Z, fauché, probablement tourné sous l'influence de psychotropes, ce film est une odyssée artistique vers des domaines métaphysiques inconnus du genre humain, un truc dont on ne se remet que difficilement...
Et nous devons cette pépite à Bernard Launois, dont Devil Story fut le dernier film (les gens qui ont fait « ouf » manque singulièrement de politesse, mais sont vachement perspicaces...). Mais attendez un instant que je regarde sa filmographie. Ouh, le vilain polisson, on découvre que l'homme est l'auteur de « Lâchez les chiennes » (1972), « Les dépravés du plaisir » (1974), « Les machines à sous » (1976) (non le titre n'est pas une erreur, il parle bien de prostituées...amies féministes : bonsoir !) et de « Partouzes franco-suédoises » (1978 !). A noter que dans l'interview que Bernard Launois m'a acordé il confirme que les titres ne sont pas de lui. L'homme continua sa carrière dans un autre genre, la comédie burlesque franchouillarde inspirée de la série des Gendarmes de St Tropez. On lui doit « Sacrés Gendarmes » (1979) avec Jacques Balutin, Robert Castel, Sim et Daniel Prévost tout de même. Essai qu'il poursuivra avec « Touche pas à mon bignou » en 1980 toujours avec Sim en goguette en Bretagne. Et c'est donc en voulant changer de style que Bernard Launois vit sa course aux Oscars s'interrompre net.
Magie d'internet, le site de l'INA a conservé un reportage de FR3 Normandie consacré au tournage du film. Et on y trouve Bernard Launois nous annonçant fièrement « Je pense qu'on peut faire mieux que les américains. C'est une histoire simple, qui fera peur à tout le monde. » Pas de chance l'histoire est incompréhensible et tout le monde se marre. Le lien pour consulter cette pépite : cliquez ici.
Mais allons-y les amis, découvrons ce miracle du 7ème art...
La campagne, un champs, une toile de camping.
La musique type Bontempi crache ses watts, et un mutant dégénéré surgit de la toile de tente couteau à la main. L'homme n'est visiblement pas bien : non seulement il porte un costume de nazi débraillé, mais il ne cesse de gémir tout en levant les poings au ciel dans une gestuel dramatique digne des Poetic Lovers et Boyz II Men réunis. On devine que la vie n'a pas du lui faire de cadeau à ce brave homme tant sur le plan physique que culturel et qu'il vient d'exprimer toute sa rancœur à l'aide de sa lame. Confirmation rapide puisque nous découvrons un cadavre sous la tente, une fois que notre homme s'est pris les pieds dans les cordelettes (on peut être maître équarisseur et maladroit...).
Et là chers amis, le responsable des effets nous donne une bien jolie leçon de simplicité. Comment simuler un jet de sang ? Glissez sous la chemise un tuyau relié à une poire. Remplissez la poire de jus de raisin. Hors champs actionnez la poire pour faire couler le « sang ». Tellement fier de son effet, le réalisateur nous l'inflige pendant au moins une bonne minute en plan fixe. Et nous verrons que la réalisation aime rendre hommage dès qu'elle le peut à ses techniciens...
Pendant ce temps, notre dégénéré commet un autre forfait sur la compagne de la victime, partie chercher du bois (pour le feu ? En plein jour ?), chantante et gambadante. Une telle provocation qui ne peut laisser notre néonazi des temps modernes de marbre : il lui tranche la gorge à mains nues (gasp!) avant de la finir à coups de poing au sol (c'est hargneux, un néonazi dégénéré). L'occasion une nouvelle fois pour le réalisateur de nous caser un plan sur le jus de sang ou de raisin on ne sait plus, qui coule.
L'homme à la tête de cul est méthodique : il planque les corps dans un puit. En parallèle le réalisateur filme un cheval noir. Comme ça. Pour faire joli. Il aurait pu choisir un escargot noir, mais non, il prend le cheval. Etrange, mais nous verrons qu'il y a une logique à tout cela. Ou pas. Et le prégénique de finir sur le nazi prenant un fusil pour tenter de flinguer le canasson.
Le générique, véritable déclaration d'amour à la musique synthétique (le musicien s'appelle Gérard Delassus, ça ne s'invente pas), nous laisse entrevoir la fabrication artisanale et familiale du film. Car si c'est Bernard Launois qui se charge de la réalisation, il a invité sa petite famille : Chris B. Launois est 1ère assistante, Pascal Launois stagiaire et 2nd assistant, Philippe Launois photographe.
Mais vite, l'intrigue reprend et ne va pas nous attendre.
Une voiture s'arrête en rase campagne : panne d'essence. L'homme (joué par Bernard Launois) descend avec son jerricane. Et là, « c'est affreux !» , il se dirige vers le monstre pourtant planqué derrière un calvaire pour lui demander innocemment « Euh... vous ne connaîtriez pas une station service ? ». Le monstre déteste l'impolitesse et punie l'homme d'un coup de couteau. Il aime pas qu'on se foute de sa gueule, le monstre. Re-jiclettes de sang, je vous passe les détails.
Pendant ce temps, la petite vieille qui accompagnait notre homme ne semble pas vraiment se préoccuper des évènements. Jusqu'à ce qu'enfin elle sorte de la voiture : hélas pour elle c'est pour se prendre un coup de fusil. Fin de la séquence.
Nous revoilà sur les routes : la malédiction de ce triangle des Bermudes normand continue... Une autre voiture s'arrête, le pneu arrière droit crevé. Voiture qui paraît bien louche puisque si la plaque d'immatriculation avant est française, celle de l'arrière est américaine. A son bord, un couple. Étrange, étrange... Dans les fourrés, un nouveau personnage très important guette : le Chaaaat Diabolique!
On sent qu'il surveille, il observe le couple. Il possède un pouvoir surnaturel : attirer les jeunes femmes vers les falaises normandes : d'étranges éclairs jaunes ajoutés visiblement en post-production guident la jeune femme... Alors forcément un Chaaaaat Diabolique, ça miaule diaboliquement. Sauf que celui-ci a toujours le même miaulement. Toujours le même, comme s'il était enregistré et repassé en boucle, si si. Et ce qui devait arriver, arrive, puisque le chat saute sur la jeune femme qu'on appellera Josette lui griffant les mains en passant, avant de disparaître.
Crise de hurlements avant de tomber dans les bras de son chéri :
Lui : « Voyons ma chérie pourquoi cries-tu ?
Josette : Mes mains... regarde mes mains...
Lui : Calme-toi ma chérie, calme-toi... Viens, la voiture est réparée (en moins de 1 min il change un pneu, doit être garagiste, le gars...)
Josette : Ca m'est égal je reste ici !! (fais pas ta gamine, quoi) Je veux pas zaller plus loin ! Je veux rentrer à la maison ! (commence à faire chier la nana quand même) Je rentrerais à pied (ben voyons, avec les mains lacérées) ! Laisse-moi TRANQUILLE !!!! (doit avoir ses ragnagnas, je vois rien d'autre) Je veux mourir ! (ben à la réflexion, y'a un monstre nazi qui pourrait s'en charger apparemment...) Qu'est qu'on est venus faire ici ? Pourquoi on est perdu ? (moi je sais, c'est le chat !)
Lui (super conciliant) : Allez viens je t'en prie. Nous ne sommes pas perdus (c'est vrai, la route est à moins d'une minute à pied). Il y a un village à quelques kilomètres d'ici : nous sommes presque arrivés.
Josette (limite berserk) : ARRIVES ? MAIS on arrive toujours avec toi, mais ON ARRIVE NULLE PART !!! Et mes mains tu les as vu mes mains ? (non mais tu vas voir la mienne dans 1 min) Qu'est-ce que tu veux y faire !!!? (t'inquiètes, dans la bobine suivante, le scénariste aura oublié, alors...)
Lui (mielleux qu'il ferait presque exprès) : Elles sont très bien ma chérie. C'est pour ça que je t'ai épousé »
Le tout sous le regard étrange du Chaaaat Diabolique et son air chafouin...
Le village a beau être à quelques kilomètres, dixit le mari, la nuit est bien tombée entre-temps et l'orage tonne. Les voilà qui arrivent au Palais Bénédictine de Fécamp, très beau monument soit dit entre nous, mais qui sert ici d'auberge. L'ambiance est lugubre, un autre pneu a crevé, le bâtiment est plongé dans l'obscurité, filmé en contre-plongé et histoire d'enfoncer le clou, voilà ty pas la Toccata en Ré mineur de Bach ! (http://www.youtube.com/watch?v=w-QLSPmzMZo ) Coup de chance, il y a des chambres disponibles dans cette auberge tenue par 2 petits vieux :Louise et un vieux dont on ne connaîtra jamais le prénom. Curieusement apparaît un nouvel animal étrange : le Chevaaaal Diabolique qui vient hénir devant l'auberge. Comme pour le chat, il n'a qu'un seul hénissement, toujours le même... Etrange...
Pendant ce temps, dans une ambiance délétère, autours d'un pastis, et avec des dialogues super mal joués, les deux vieux commencent sans qu'on leur ai demandé quoique ce soit d'ailleurs, à raconter les légendes locales. Il y a l'incendie de la ferme des 3 chênes sous une pluie diluvienne, la disparition de 3 pêcheurs sur une mer d'huile, et le tout toujours à la même époque, lors de l'équinoxe. Mieux : il y a 100 ou 200 ans (donc en 1886 ou en 1786), un bateau ayant fait escale en Egypte s'est échoué sur la côte, à cause de 5 frères naufrageurs, et on a jamais pu retrouver le navire. Enfin, les descendants des 5 frères ont signé un pacte avec le Diable et il y a une vieille sorcière qui reste cloitrée chez elle avec son fils infirme... ! S'en est passé des trucs dans la région tout de même, hein !
Pas étonnant donc que Josette ait du mal à dormir, surtout que le Chevaaaal Diabolique continue à rôder devant l'auberge... Le vieux décide d'aller chasser le Chevaaaal et Josette l'ayant vu partir décide de le suivre à distance, habillée d'une nuisette blanche et d'un ciré jaune. Et comme il se passe toujours un truc dans ce film, QUELQUE CHOSE sort du sol. Où ? Près d'un bateau échoué sur une falaise ! Le bateau contenait en réalité... une momie !
Josette, à bord de la voiture (elle n'avait pas un pneu en vrac la bagnole ?), part sur la piste du tueur et de la sorcière du côté du cimetière, et fini par se prendre un méga pain de la part du dégénéré...
Ailleurs, nous retrouvons le brave autochtone à la lutte avec le destrier noir. Dommage pour nous que toute logique semble annihilée par la réalisation. Car comment expliquer que l'homme soit filmé en pleine nuit noire et en forêt, alors que l'animal est filmé à l'aurore en bord de mer. Curieux, étrange, ce nouvel illogisme nous plonge dans une stupéfaction angoissante, renforcée par un silence musical surprenant (rappelons que l'une des règles essentielles de Devil Story est : dès que ca bouge un peu, on martèle de le synthé).
Pendant ce temps, notre tueur traine la jeune femme. On sent bien une tension sexuelle (le ciré jaune, sûrement...). Et là, stupeur : la soricère découvre que Josette ressemble 'achement à sa propre fille. Et dans une logique toute campagnarde, elle annonce avec un accent au couteau : « J'vois pas pourquoi celle-ci vivrait et pas ma fille... » et de dire à son fils dégénéré « Enterre-la! » (rugissement du Bontempiiiiii !). Le brave fils met Josette dans une tombe, mais cette dernière tente d'empêcher le fou de la refermer.
Le Chevaaaal Diabolique arrive, toujours avec le même hénissement. Et l'animal est vachard : il met plusieurs coup de sabots au dégénéré, tel un Bruce Lee chevalin. C'est … assez curieux, mais je ne vois pas comment exprimer cela autrement : il semblerait que ce soit un cheval kung-fu ! S'ensuit 30 secondes de plans au ralenti du gars agonisant semble-t-il, se vidant de son sang par la bouche sur fond de rugissements ignobles. Et en fait non, il se relève pour prendre un nouveau coup de la part du cheval, qui lui décalotte ainsi une partie du crâne et de l'oeil (quand je vous disais qu'il était vachard !). Re-30 secondes de ce que vous savez (non parce que bon s'agit de faire durer le plaisir tout de même, hein, tant qu'à tourner autant faire plaisir au public...).
Et alors qu'on y croyait plus, un dernier coup propulse l'homme contre un mur de pierre qui s'écroule sous son poids et sur la vieille sorcière. D'une pierre deux coups, comme dit l'adage. Josette et son ciré se disent alors que ça serait pas mal de se barrer maintenant (pas con). Mais, pour notre plus grande surprise, la vieille accroche la botte de Josette. Et à ce moment, Josette choppe la grille du caveau et la balance sur la vieille pour la transpercer ! Le fer forgé n'est plus ce qu'il était les amis, il a perdu en poids ...
Mais que devient la momie dans cette histoire ? Et bien la voici qui vient ouvrir une tombe et en extraire une jeune femme en robe blanche. Josette se planque, mais elle fait un peu de bruit : la voilà repérée, obligée de fuir (à 4 pattes, nous gratifiant d'un chouette plan culotte sous le ciré, très rare au cinéma, si si). Mais on n'embobine pas aussi facilement une momie, et Josette doit lutter pour éviter de se faire attraper. Elle finit ainsi par chuter, je vous le donne en mille, Emile : sur le corps du fiston dégénéré (ah bah comme par hasard), qui pour le coup se relève. Et le cheval, vous interrogez-vous fiévreusement ?
Il est retourné dans la prairie esquiver les coups de fusil de notre brave autochtone, à la seule différence prêt que maintenant il fait jour. Mais rien n'y fait, aucun tir ne l'atteint. Comme quoi, l'alcool fait bien des ravages en campagne, on ne le dira jamais assez.
Mais laissons-là notre canasson espiègle, et retrouvons Josette gambadant dans les champs au petit matin, poursuivi par le dégénéré nazi. Logiquement, le clavier Bontempi se remet en marche pour le plus grand plaisir de nos oreilles maintenant par trop habituées. Josette finit par trouver sa voiture, abandonnée sur le bas côté de la route avec les clés sur contact. Probablement un coup du Triangle des Bermudes. A moins que le Chevaaaaal sache aussi se servir d'un cric ?
Josette essaie alors d'écraser son assaillant, et finie par le planter contre un arbre. Re-agonie rugissante de 30 sec, il va s'en dire... Et Josette pendant ce temps ? Ah c'est qu'elle est loin d'être conne, elle a matté des films d'horreur, la Josette : la voilà aspergeant d'essence le pauvre dégénéré avant de l'immoler (« Meurs ! Pourriture communiste ! » ou plutôt nazie...).
Josette fuit en bagnole, mais finie par tomber en panne (j'vous l'avais bien dit, le Triangle des Bermude normand...) devant ... le Chaaaat Diabolique !
Curieusement, Bernard Launois invente là un procédé cinématographique inédit : le flashback incohérent (à moins que ce ne soit un coup du Chaaat) : on retrouve le corps du dégénéré non-brûlé au pied d'un arbre et Josette le ré-asperge d'essence sans lui mettre le feu pour autant. Puis elle tente de redémarrer la voiture, et qu'entendons-nous provenant des bois ? Des coups de feu ! Qui surgit d'un petit sentier ? La momie et sa copine... Si vous ne comprenez plus rien, ne consultez pas. Je crois que personne ne comprend plus quoique ce soit à partir de là. Josette fuit les momies, et se dirige vers les coups de feu pour tomber sur, bien sûr, l'autochtone au fusil.
Elle : « Vous aviez raison, Monsieur, j'ai rencontre une vieille !
Lui : Je sais ! Mais ça ne m'intéresse pas. C'est l'animal qui est toute la clé du mystère !
Elle : La momie, Monsieur, elle vient vers nous ! Je vous en prie, faites quelque chose... »
Et lui de poursuivre ses tirs sur le cheval, qui s'amuse comme un fou à tourner autour.
Enfin, il finit par l'avoir : il aura mis le temps. Manquait donc la Momie et sa cop', qui finissent par arriver et tout le monde finit par se retrouver devant l'épave du navire de la Momie, échouée sur les rochers. « Je l'savais ! J'avais toujours dis que le bateau était là ! » lance l'autochtone. Bon en même temps, rien ne l'empêchait de le signaler à la gendarmerie du coin depuis un paquet de temps, mais bref, passons. L'homme de s'énerver « Ses trésors sont à moi ! Ses richesses ! Je suis le Maiiiître ! Le Maiiiiiiiître ! ». Et Josette de prévenir le malheureux : « La Momie, Monsieur, elle vient vers nous ! »
Comment décrire le combat qui s'en suit ? Certes, la Momie bouge beaucoup moins vite que le cheval, mais elle en a rien à foutre des balles, elle. Du coup, elle fout une branlée au vieux en l'égorgeant à main nue (fort, ça !) puis en lui marchant sur le bidon (ce qui visuellement parlant, fait ressortir du gars la viande achetée par l'équipe des effets spéciaux au Prisunic du coin).
Josette pragmatique récupère le fusil et les munitions. Et là croyez-le ou pas, mais de vieux barils de poudre tombés du bateau traîne dans le coin : Josette vise et BOUM !!
Josette se réveille. Tout ceci n'était qu'un cauchemar. Mais le chaaaaaat est sous le lit... Et le ciré dans la salle de bain ! Josette part se promener seule, son mari étant allé au village changer le pneu. Elle finit par revenir la où se trouvait le bateau mais il ne reste plus qu'une plaque à son nom : « Le Condor ». Et le chaaaaaaaaaaat du Diable attaque Josette, qui tombe par terre, et est ensevelie dans le sol.
Dernières scènes : un nouveau couple arrive à l'auberge, le vieux est toujours là, et la sorcière et son fils dégénéré repassent devant l'auberge. Lapin compris...