Règulièrement, sur ce blog, je vous parle de jeu de rôle. Et je ne me suis jamais expliqué sur cette pratique certainement obscure pour certains d'entre-vous. Je m'en vais donc tenter de vous expliquer ce qu'est le jeu de rôle.
Dans "jeu de rôle" il y a "rôle"...
Le jeu de rôle est un jeu dans lequel les joueurs vont se réunir pour raconter une histoire. Les joueurs vont incarner, interprêter les rôles principaux de l'intrigue (qu'on appelle "Personnage Joueurs" ou PJ). Les joueurs ont donc un rôle très actif dans le jeu puisque leurs propositions, leurs actions, leurs dialogues vont modifier l'histoire, à la manière d'un théâtre improvisé. Chaque joueur imagine les situations, décrit les actions de son personnage et parle parfois comme son personnage (il l'interprête à la manière d'un acteur de théâtre amateur ). C'est donc un jeu qui demande une bonne dose d'imagination.
L'un des joueurs est ce l'on appelle le Maître de Jeu (abrégé MJ) : il raconte l'histoire, pose l'ambiance, créer une atmosphère et explique les rebondissements de l'intrigue. Lorsque les joueurs entament un dialogue avec un second rôle (un rôle qui n'est tenu par aucun joueur), il interprête le rôle de ce personnage secondaire (qu'on appelle "Personnage Non-Joueur" ou PNJ). En somme, le MJ interprête tous les personnages qui ne sont pas incarnés par les autres joueurs, décrit le décor, répond aux questions des joueurs et explique les situations. Il est en quelque sorte le conteur et le chef d'orchestre du groupe : il encadre les joueurs, anime la partie et s'assure que tout le monde s'amuse.
C'est le MJ qui prépare, avant la séance, une intrigue prenant soin de la laisser suffisamment ouverte pour que les joueurs puissent influer sur son déroulement. Il faut donc que le MJ soit suffisamment imaginatif pour improviser l'histoire si elle dérive trop de ce qu'il avait prévu.
Mais dans "jeu de rôle", il y a aussi "jeu"...
On le voit, le jeu de rôle ressemble un peu au théâtre d'improvisation. Mais le dialogue ne permet pas de régler toutes les situations. Si un joueur stipule que son personnage saute un précipice, on ne va pas demander au joueur qui l'interprête de le faire !
Chaque jeu de rôle a donc un système de règles pour simuler la réalité à travers des jets de dés, pour représenter une part de hasard. C'est là qu'intervient le "jeu". Chaque joueur reçoit en début de partie une feuille de personnage sur laquelle sont recencés les forces et faiblesses physiques de son personnage : est-il costaud ? est-il fort en jonglerie ? à moins qu'il soit particulièrement observateur pour remarquer des détails qui échappent aux autres ?
Tous les joueurs connaissent un minimum les règles utilisées (parce que le MJ les aura expliqués). Dès qu'une action qu'on ne peut résoudre par le dialogue apparait, on a recourt aux règles du jeu. La plupart du temps les joueurs lancent des dés et c'est le MJ qui interprète le résultat selon les règles en l'intégrant dans l'histoire qu'il est en train de raconter.
Le MJ a donc aussi être l'arbitre de la partie. Il se doit d'être aussi impartial que possible afin que tout le monde s'amuse.
De la simple partie à la "campagne"...
En général, discuter et raconter, ça prend du temps ! Et donc une partie de jeu de rôle, ça dure longtemps. Comptez entre 4 et 6 heures la partie, en moyenne. C'est pourquoi les joueurs jouent souvent en soirée... et une bonne partie de la nuit ! Mais rien n'empêche de jouer en après-midi. Reste que la durée rend l'organisation assez contraignante dès que l'on rentre dans la vie active ou que l'on entame une vie de famille.
On peut jouer de temps en temps au jeu de rôle, une partie de ci de là, changer à chaque fois de personnage et s'amuser. Mais l'un des grands plaisirs des joueurs est de jouer le même personnage sur plusieurs histoires qui se suivent. Ils ont ainsi l'impression de vivre une saga sur le long terme au cours de laquelle leur personnage évolue, et s'améliore.Tous ces épisodes qui se suivent forme une "campagne". Théoriquement, tant que son personnage survit et que l'histoire intéresse les joueurs, une campagne peut s'étendre sur plusieurs mois de jeu (ce qui peut correspondre à plusieurs années d'aventures "racontées" !). Dans le cadre d'une campagne, pour simplifier, on peut dire que chaque partie est un épisode d'une série télé "à suivre".
Autour de la table...
Concrètement, les joueurs se réunissent autour d'une table. Le MJ se place souvent en bout de table, à la vue et à porté d'oreille de tous. Il dispose ses notes à l'abri des regards des joueurs derrière un paravent, qu'on appelle "écran". Il peut de cette manière lancer les dés discrètement sans que les joueurs ne voient le résultat.
Les joueurs disposent devant eux leurs feuilles de personnages, leurs dés, et des crayons. Souvent, les joueurs aiment prendre note de certains détails pour ne pas les oublier par la suite (le nom d'un PNJ, par exemple). Les dés de jeu de rôle sont assez originaux puisqu'on peut trouver des dés à 4, 8, 10, 12, ou 20 faces. Sur la table on trouve aussi souvent des sodas de quoi grignotter, en cas de petit creux...
Petite histoire rapide du jeu de rôle...
Le jeu de rôle est né à la fin des années 70. L'histoire a retenu que c'est Gary Gigax qui a écrit et édité le premier jeu de rôle, Donjons & Dragons (ou "D&D"), qui reste le jeu le plus populaire de nos jours (dans une version remaniée). Gigax proposait des aventures dans un cadre heroic-fantasy style Seigneur des Anneaux. L'aventure se résumaient la plupart du temps à : des héros explorent des cavernes, tuent des monstres et récupèrent des trésors (dans le jargon, on appelle ce type d'histoire un "porte-monstre-trésor").
Rapidement, d'autres cadres de jeu sont apparus, ainsi que de nouvelles règles, et de donc de nouveaux jeux. Progressivement, le jeu de rôle a proposé tous les univers fantastiques imaginables et imaginés : la science-fiction, le post-apocalyptique, l'horreur et l'épouvante, le moyen-âge asiatique, le western, les super-héros, le cyberpunk, le steampunk, le polar, etc. Il existe maintenant une variété phénoménale d'ambiances et de thèmes. De grandes licences issues d'autres médias ont été adapté en jeu de rôle : Star Wars, James Bond 007, le Seigneur des Anneaux, certains romans fantastiques voire certaines séries tv (Buffy contre les vampires, par exemple). De même, les règles ont évolué, de nouveaux systèmes plus ou moins pointus sont apparus. Si bien qu'il y en a maintenant vraiment pour tous les goûts !
Mais n'est-ce pas dangereux ?
Dès la fin des années 70, le jeu de rôle a une réputation sulfureuse de loisir "dangereux". Aux USA, à la sortie de D&D, certaines associations intégristes catholiques se sont attaqués directement à ce loisir.
Dans les années 90, le jeu de rôle a été accusé d'être dangereux suite au suicide d'un adolescent qui jouait au jeu de rôle. Quelques émissions tv peu sérieuses mais malheureusement suivies ont marqué les esprits. A tel point que même encore dans ma famille lorsque j'en parle il se trouve parfois une tante pour me sortir "tu devrais faire attention, ca peut être dangereux..." d'un air inquiet. Autre exemple des méfaits de ce genre d'émissions : mon club au lycée avait du fermer ses portes, le proviseur nous ayant immédiatement assimilé à des jeunes suicidaires...
Comme pour la littérature, il y a des courants de jeux de rôle extrêmes ou plus "adultes". N'y entendez pas par là qu'on y parle de sexe à longueur de partie, mais plutôt que ces jeux de rôle traitent souvent de thèmes sombres : dans Wraith, les joueurs incarnent des revenants, par exemple. Parfois c'est le côté très second degré qui met le jeu hors de portée d'un public trop jeune : In Nomine Satanis/Magna Veritas propose d'incarner des anges ou des démons venus sur Terre pour effectuer des missions pour Dieu ou Satan, c'est selon mais toujours en traitant de la religion avec une ironie potache. Enfin, la plupart des jeu de rôle d'épouvante et d'horreur sont bien entendu réservés en général aux joueurs matures.
Autant dire que la plupart des reproches et arguments que l'on a pu aux jeux de rôle ne tiennent pas la route, et profitent surtout de la méconnaissance du grand public. Il en va du jeu de rôle comme bien d'autres loisirs : tant que cela ne devient pas une passion, voire une obsession, il n'y a aucun soucis. Il est évident, par contre, que pour des ados hyper-sensibles et mals dans leur peau, il vaut mieux le pratiquer en club, sous l'encadrement de majeurs, plus à même de canaliser et détecter les problèmes (s'il doit y en avoir).
Cela fait 20 ans que je joue et je n'ai jamais rencontré de cas où le jeu de rôle a eu une influence néfaste. Mieux encore, à bien y réfléchir, c'est un loisir positif : on y apprend à interagir en groupe ; on doit être actif (il faut imaginer, on ne reste pas affalé passivement devant la tv) ; il faut souvent se renseigner et faire des recherches ; et beaucoup de joueurs sont par conséquent de gros lecteurs.
La plaquette de présentation de la fédération française de jeu de rôle, très instructive (fichier pdf compressé au format .zip) : http://frjj.online.fr/data/plaquette.zip
Pour une version très détaillée de la création du jeu de rôle je vous conseille l'article Une Histoire du jeu de rôles par Steve Darlington.