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9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 09:30

lhommedeshautesplaines01L'Homme des Hautes Plaines est le deuxième film de Clint Eastwood. Révélé au monde entier     grâce par le western spaghetti (merci Sergio Leone), il semblait légitime qu'Eastwood rende hommage au genre très tôt dans sa carrière de réalisateur.

Mais au lieu d'un banal western, le jeune cinéaste ne va pas cesser d'alterner entre classicisme et originalité.

 

Un cow-boy solitaire (Eastwood, évidemment) arrive à Lago, une petite et opulente ville côtière. L'arrivée de l'Etranger suscite rapidement l'attention de quelques jeunes bandits qui terminent rapidement en cadavres. Et lorsqu'une belle demoiselle s'insurge de la sauvagerie de cet Etranger, ce dernier l'attrape et la viole dans la première grange venue !

Shocking ! Qu'arrive-t-il donc au père Eastwood ?

Que se passe-t-il ? Cela fait à peine un quart d'heure de métrage et l'on baigne dans une ambiance étrange, L'Etranger semblant être venu à Lago avec un objectif bien précis : se venger de 3 bandits qui ont fouetté à mort un homme ici-même il y a quelques années.

Les notables de la ville ignorent tout des plans de l'Etranger, et estiment qu'il est le plus à même de les  protéger de ces mêmes bandits. Illico, ils l'embauchent et le nomme shérif, prêts à tout qu'ils sont pour obtenir une protection salvatrice.

 

L'Homme des Hautes Plaines démarre donc sur une intrigue classique : le cowboy qui protège la ville contre des malfrats. Les amateurs penseront de suite à Une poignée de dollars et Pour quelques dollars de plus. Les trois films partagent le même héros crasseux, cynique, violent et solitaire.

 

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Mais Clint Eastwood introduit rapidement des éléments surnaturels dans un film à priori bien balisé. Générique : un cowboy apparaît (littéralement) d'un mirage. Les premières notes de musique sont très éloignées d'un Ennio Morricone : il s'agit de nappes sonores mélancoliques qui petit à petit cèdent la place à une musique un peu plus western.

 

L'homme solitaire arrive à Lago, un village côtier, emplacement assez rare dans le western où l'on est habitué depuis trop longtemps au poussiéreux villages perdus dans le désert. L'Étranger commence par traverser un cimetière, puis suit la rue principale du village, sous les yeux intrigués des villageois. L'homme dérange l'ordre bien établi. Un ordre d'ailleurs assez propret, puisque la ville donne une sacrée impression de neuf et d'opulence (et pour cause, elle a été entièrement créée par les décorateurs du film, un poil pris de court). Les magasins sont remplis, les villageois propres sur eux et, seul un nain apporte une touche d'étrangeté dans le tableau.

 

Et puis intervient au bout d'une demi-heure la scène clé du film, celle qui permettra la compréhension de l'ensemble : l'Etranger nous semble rêver. Il voit un homme se faire fouetter à mort par 3 truands, et aucun villageois de Lago ne vient l'aider. La scène est capitale, car on comprend que l'Etranger vient se venger de la mort de cet homme (sans qu'on ne sache alors son identité, ce qui va être tout l'enjeu du film). Les notables se sont plantés, l'Etranger est là non seulement pour tuer les trois criminels, mais pour punir ces villageois qui n'ont rien fait pour protéger la mystérieuse victime.

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Et L'Etranger de tourner en ridicule chaque notable ; de nommer le nain shériff et maire de la ville ; et d'essayer de les entraîner au maniement des armes (sans grand résultat). Il fait même repeindre toutes les maisons en rouge, et fait écrire « Hell » (L'Enfer) sur le panneau à l'entrée de la ville. Vision dantesque d'un village de western couvert de rouge !

 

Et lorsqu'il a bien tourné ce petit monde en ridicule, les trois criminels arrivent. L'Etranger surgit alors d'entre les flammes qui ravagent la ville et attrape, un par un , chacun des tueurs. Sa vengeance ira jusqu'au bout : implacable, il trucide les trois assassins.

 

La fin du film est on ne peut plus claire : Eastwood traverse la rue principale dans le sens inverse, passant devant des villageois sales, voire infirmes, et des bâtiments en ruine. Il repasse par le cimetière où le nain travaille sur une tombe (celle de l'homme qui a été assassiné). Le nain lui demande (dans la version originale) : « Mais au fait tu ne m'as jamais dit ton nom ? » et Clint de lui répondre « Pourtant tu le connais bien ». Gros plan sur la tombe : Jim Duncan, l'homme mort il y a quelques temps. Et l'Etranger de disparaître littéralement dans un mirage.

Clint Eastwood signe donc un western fantastique, avec cette âme vengeresse qui se réincarne pour se venger de ses anciens tortionnaires.

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La version française du film réserve une surprise de taille, puisque les traducteurs, sans doute affolés devant tant d'originalité, ont choisi d'essayer de supprimer toute dimension surnaturelle au film, puisque ce dialogue est radicalement différent :

« Mais au fait tu ne m'as jamais dit ton nom ? 

- Tu le connais bien pourtant. C'est celui de mon frère. »

Et hop ! Ni vu ni connu, les traducteurs décident de lever l'ambiguïté. En gros, le public n'est qu'un ensemble  de crétins incapables de saisir la dimension fantastique du film... alors autant la supprimer, même si c’est pour rogner la cohérence du film.

 

Un bel exemple méconnu de traduction qui vient trahir le propos d'origine, qui ne doit pas faire oublier la qualité générale du film, annonciateur d'une formidable carrière de réalisateur.

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